Analyse de l’arrêt de la Cour d’Appel du 19 juillet 1826 par René Delage – 1902

Les lois abolitives de la féodalité n’ayant eu pour effet que d’affranchir les propriétés réelles des charges seigneuriales dont elles étaient grévées, n’ont donc pu supprimer ce droit d’usage, droit réel et immobilier détaché par le seigneur du domaine utile.

C’est dans ce sens que la cour de Bordeaux s’est prononcée dans un arrêt du 19 juillet 1826.

« Attendu, dit la cour, que ces lois n’ont porté aucune atteinte aux propriétés des ci-devent seigneurs dont ils n’avaient pas aliéné le domaine utile, que des conventions relatives à ces propriétés, quoique renfermées dans les actes relatifs au domaine direct, ne sont pas pour cela entachées de féodalité parce qu’elles n’empruntent rien à la puissance féodale, qu’après un bail à fief, le bailleur continuait à jouir des objets dont il s’était réservé, c’est-à-dire des objets non aliénés, comme propriétaire et non comme seigneur, en sorte que cette propriété lui est restée comme celle de ses prés et de ses bois. »

Il ne faut pas, en effet, oublier que les droits d’usage peuvent absorber l’universalité des produits de la forêt sans rien laisser au propriétaire si celui-ci n’a fait aucune réserve, de telle sorte qu’on peut imaginer une forêt dont tous les revenus sont absorbés par les usagers sans que le droit d’usage soit pour cela transformé en droit de propriété.

La prétention des usagers d’être copropriétaires des bois n’est donc pas fondée, et les habitants de l’ancien Captalat de Buch n’ont qu’un droit de servitude. Leur droit présente, en effet, tous les aspects des droits d’usage : on y trouve un fonds dominant (le territoire de l’ancien Captalat) et un fonds servant (la forêt) presque toutes les obligations imposées aux usagers par le code forestier sont imposées par les transactions aux habitants non ayant pins : obligation de demander délivrance, sauf pour les usagers peu onéreux d’agir en bons pères de famille, défense de prendre ou de faire commerce du bois de la forêt. Ce sont bien là les caractères des droits d’usage.

Comme le décide le jugement du 6 mars 1850 que nous venons de mentionner « les fruits, les arbres accrus, comme le sol, appartienent aux propriétaires », l’usager ne devient propriétaire des bois que lorsqu’il les a perçus des délivrances mobilières

(…)

…Or, l’exercice des droit d’usage ne comporte aucune exécution de travaux. Quant à l’administration, elle appartient uniquement aux syndics des propriétaires, et les représentants des usagers sont simplement chargés de poursuivre, concurremment avec ceux des propriétaires, les fraudes et contraventions. Ce n’est là qu’une mission de surveillance. En ce qui concerne le syndic des propriétaires, aucune modification n’a été apportée aux transactions. Leurs pouvoirs sont nettement déterminés par l’art.10 de l’acte de 1759 : poursuivre les fraudes et contraventions et défendre à toutes les actions intentées contre les propriétaires ; une autorisation leur sera seulement nécessaire pour intenter les actions autres que celles qui auront pour but la répression des fraudes et la condamnation des contrevenants.

Les syndics représentent donc la communauté des propriétaires de la forêt pour tout ce qui concerne leur intérêt commun ut universi. Ce pouvoir ainsi conféré aux syndics de représenter en justice la masse des intéressés, n’est-il pas contraire à une règle de notre vieille jurisprudence qui n’est écrite dans aucun des codes et qu’on continue cependant d’appliquer : la règle que « Nul en France ne plaide par procureur».